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Le Chesnay - Rocquencourt Commune nouvelle

La rue Hippolyte Deslandes

Hippolyte François Deslandes, le maire sans Dieu

Le Chesnay, 1878… Comme partout en France, notre ville est secouée de joutes politiques passionnées ! La Troisième République naissante est fermement décidée à assoir la légitimité bien mal assurée de sa naissance par dépit, presque par erreur. En effet, c’est une majorité monarchiste qui est sortie des urnes en 1871 : les querelles dynastiques seules ont permis par la suite à une République provisoire de s’installer dans la durée.
Et pour consolider son emprise électorale, elle s’est désignée une ennemie : la trop monarchiste Eglise catholique en France : ce seront les lois sur l’école publique, puis sur les associations et la séparation de l’Eglise et de l’Etat.

Or, notre petit village du Chesnay, fort de ses 2 300 habitants, est en 1878 imprégné du catholicisme et du conservatisme que ses anciens maires, notamment les Caruel, personnifiaient bien. Le glissement idéologique qui s’opère dans ces années précipite alors notre ville dans cette tourmente ! C’est à cette époque qu’Hippolyte Deslandes devient maire du Chesnay. Ce pépiniériste de 58 ans devenu rentier sur le tard est engagé dans la vie politique locale depuis 18 ans. Il y a cultivé sa réputation d’élu fiable, conciliant voire effacé.

Las… Poussé par le climat politique national et fort d’une popularité au Chesnay que ne démentent pas les élections successives, notre Hippolyte va révéler une personnalité de « bouffeur de curé » tout à fait typique des élus républicains progressistes de l’époque. Les élections municipales de janvier 1878 ont en effet consacré la victoire des Républicains, le maire sortant conservateur Emile Deslandes-Vinay ayant sagement choisi de se retirer…
Les dix-huit années d’administration d’Hippolyte Deslandes qui suivront seront jalonnées de conflits religieux, le maire multipliant les vexations envers une population qui lui rendra parfois ses coups. Dès 1878, il crée une commission pour enquêter sur le coût de construction de la nouvelle école-mairie du 50 rue de Versailles, manière de mettre en défaut l’ancienne équipe qui a réalisé ce beau bâtiment public symbole de cette vitalité démographique que connait le Chesnay.
Dans la foulée, il lance un conflit avec le curé du Chesnay, l’abbé Pilon, sur la compétence du transport des morts vers le cimetière. Le logement du sacristain-fossoyeur de la commune, accolé à l’église Saint Germain sera un autre sujet de conflit lorsque ces deux fonctions seront dissociées.

Dès lors, la guerre religieuse ne va plus cesser. Enfants de familles catholiques rayées des listes d’indigence, interdiction de la procession religieuse du 15 août 1879, création en 1881 d’une école laïque pour jeunes filles concurrente de l’école catholique voisine également gratuite, organisation d’une fanfare dirigée par le directeur ( laïc ) de l’école publique, refus de procéder aux travaux sur l’église Saint Germain... Les Conservateurs rendent coup pour coup en ouvrant une école publique religieuse pour garçons en face de l’école communale. Le contentieux va se dégonfler avec la construction de l’église Saint Antoine. L’idée d’une nouvelle église naît en 1888 pour répondre à l’étroitesse et la vétusté de Saint Germain ( peu entretenue, et pour cause ! ) et à son éloignement des nouveaux quartiers de la rue de Versailles, de la rue de Glatigny et du plateau Saint Antoine. Une demande de chapelle provisoire sur ce nouveau quartier est adressée à la mairie, sans succès jusqu’en 1894. Entre temps, un nouveau curé, l’abbé Boissis, a été nommé : le courant passe mieux avec la mairie. Il faut dire que le prêtre se démène pour financer sa nouvelle église, multipliant les initiatives originales. Décidément, l’abbé plait à la population. Par ailleurs, arrivent dans les nouveaux quartiers une nouvelle bourgeoisie riche et catholique, peu impressionnée et encore moins sympathique au maire : l’heure du retournement politique du Chesnay approche…
1896 : âgé ( il a désormais 76 ans ), débarrassé de l’abbé Pilon ( son pire ennemi avec Deslandes-Vinay ) mais aussi usé et aigri par ces querelles de clochetons d’église et de mairie, Hippolyte Deslandes, facilement réélu à la mairie, cède son siège de maire à Pierre Chaulin. Il s’éteint quatre ans plus tard, en mai 1900 dans sa maison de la route de Saint Germain. Au loin s’élève peu à peu le clocher de la nouvelle église Saint Antoine dont l’inauguration cinq mois plus tard signera le regain religieux de la population chesnaysienne.

Il laisse le souvenir d’un maire au caractère trempé et querelleur, mais totalement dévoué à son mandat et dont certaines réalisations lui survivront longtemps.

Source : Annales du Chesnay de 2003