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Le Chesnay - Rocquencourt Commune nouvelle

les rues de Jussieu et Duret

les pépinières chesnaysiennes

Arboricole, Le Chesnay l’est, indubitablement ! Que ce soit par le chêne frappé sur son blason, par sa feuille du même arbre qui figure sur son logo ou encore par la pléthore de rues qui portent des noms d’arbres : Acacias, Peupliers, Cytises et Marronniers… Nombre de variétés y passent ! Deux rues se distinguent en particulier : les rues de Jussieu et Duret. Il ne s’agit point d’espèces mais de deux savants botanistes… Claude Duret, issu d’une lignée de médecins royaux, est juge royal au XVIème siècle. Son apport à la science botanique se résume à une jolie Histoire admirable des plantes, compilation de tous les contes et légendes connus sur les arbres, à commencer par l’Arbre de la Vie mentionné par la Genèse dans la Bible et dont il propose même un dessin.

Bernard de Jussieu, botaniste attaché au roi en 1722 constitua un cabinet d’Histoire naturelle et multiplia les travaux botaniques. Ce scientifique d’une grande humilité fut chargé par Louis XV de constituer à Trianon une collection de tous les végétaux présents en France, ce qui n’était pas une mince affaire ! Il créa pour cela un petit jardin botanique à la limite de Chèvreloup et de Trianon, première ébauche du futur arboretum.

Pas de lien immédiat avec le Chesnay donc, si ce n’est le voisinage de Trianon pour Jussieu. Ces deux rues sont toutefois situées à l’emplacement des anciennes pépinières royales. Revenons un peu en arrière… En 1660, Louis XIV annonce sa volonté de reprendre en main le domaine de Versailles. Les grands travaux sur le château et dans le parc commencent et les acquisitions de terrain, notamment au niveau de la Porte Saint Antoine, se multiplient. Sur ces derniers terrains, on plante des ormes, des marronniers. Le roi aime les fleurs et les arbres, et il s’agit de lui en procurer !

Trois grandes allées sont d’ailleurs tracées en patte d’oie depuis la porte Saint Antoine : la route de Saint Germain et l’avenue du Chesnay (actuelle avenue Dutartre) qui existent toujours, ainsi que la route de la Couée aujourd’hui disparue et qui menait au Bel Air et à l’actuel Hôpital Mignot.

La Révolution provoqua la déliquescence des pépinières royales de la Porte Saint Antoine, que l’Empire de Napoléon Ier tenta de relever sous le nom de « grandes pépinières ». On revint peu à peu à une horticulture privée qui se répandit rapidement au Chesnay, les jardiniers et maraichers représentant plus de 5% de la population au long du XIXème siècle. Les plantes et arbres étaient généralement achetés par des enseignes parisiennes qui les revendaient et les exportaient ensuite au prix fort. C’est une activité lucrative et réputée, mais également très exigeante en soins des plantes, par toutes saisons.

La vocation horticole du Chesnay et de Rocquencourt est confirmée en 1921 lorsqu’une commission spéciale instituée par le Muséum d’Histoire naturelle retient le site de Chèvreloup (de l’autre côté de la route de Saint Germain) comme lieu d’installation du nouvel arboretum national. L’idée est alors de déménager le Jardin des Plantes, cerné par la pollution parisienne.

Le projet est grandiose et pendant plusieurs années, de très vastes pépinières sont créées pour installer près de 32 000 plantes selon un plan pharaonique à la mesure du parc de Versailles avec grandes allées, parterres et allées, verger, et même un zoo… Mais les crédits manquent et après l’enthousiasme des débuts, le projet sombre dans l’oubli : l’arboretum de Chèvreloup, présenté comme le futur plus beau jardin botanique du monde, est réduit à portion congrue quoique déjà admirable par la qualité des plants qu’on y trouve. On ne peut parler de ces rues et du passé horticole du Chesnay sans rendre hommage à la famille Truffaut.

Les Truffaut sont une sacrée famille… Descendants d’un jardinier royal à Versailles et à Trianon, ils se lancent dans l’horticulture au début du XIXème siècle à Versailles et, par recours sans cesse aux dernières innovations ( serres chauffantes, engrais… ) arrivent à s’imposer comme une des premières jardineries de France.

Ils se font remarquer en 1917 lorsque Georges Truffaut, rapatrié du front et démobilisé, installe dans le parc de Trianon les pépinières nationales de Trianon. Pendant deux ans, celles-ci tournent à plein régime pour apporter aux poilus, sur le front, des légumes et fruits qui manquent terriblement à leur alimentation. Il faut imaginer alors l’orangerie de Versailles transformée en quartier général agricole et une centaine de Vietnamiens (Annamites et Tonkinois) à pied d’œuvre pour faire pousser toutes sortes de légumes. En deux mois, quatre millions de légumes divers sont envoyés sur le front pour nourrir 300 000 hommes.

C’est dans l’après-guerre, en 1919, que Georges Truffaut installe un établissement grainier de 3000 mètres carrés dans notre ville, le long de la route de Saint Germain. L’établissement est encore développé après 1945 avec l’accueil de 25 hectares de culture florale délogés de Versailles par la promotion immobilière d’après-guerre : la France est à reconstruire et les jardineries Truffaut, installées avenue de Paris en plein cœur de Versailles, prennent décidément trop de place.

L’aventure Truffaut au Chesnay prit un tour nouveau lorsqu’en 1965, la promotion immobilière rattrapa définitivement Le Chesnay par l’entremise de Robert de Balkany et du projet de Parly 2. Les derniers terrains de tous les horticulteurs chesnaysiens, qui avaient déjà quitté la rue Caruel de Saint Martin précédemment et vendaient un à un leurs pépinières de la route de Saint Germain à divers promoteurs, furent vendus à Parly 2. Et de Truffaut, il ne subsista que la jardinerie et la maison du directeur, dite « Devillers ».

Comme beaucoup d’autres, les rues Duret et de Jussieu furent alloties. Ainsi ces deux rues rendent hommage à ce passé horticole du Chesnay dont il suffit de traverser la route de Saint Germain pour en contempler, à l’arboretum de Chèvreloup, la mémoire la plus vive.

Sources : De Louis XIV à Truffaut, les Pépinières du Chesnay et de Rocquencourt – Eliane Michelon – 1994 – Le Chesnay d’Hier à Aujourd’hui
Historique de l’arboretum de Chèvreloup
Historique des Jardineries Truffaut