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Hippolyte François Deslandes, le maire sans Dieu
Le Chesnay, 1878… Comme partout en France, notre ville est secouée de joutes politiques passionnées ! La Troisième République naissante est fermement décidée à assoir la légitimité bien mal assurée de sa naissance par dépit, presque par erreur. En effet, c’est une majorité monarchiste qui est sortie des urnes en 1871 : les querelles dynastiques seules ont permis par la suite à une République provisoire de s’installer dans la durée.Et pour consolider son emprise électorale, elle s’est désignée une ennemie : la trop monarchiste Eglise catholique en France : ce seront les lois sur l’école publique, puis sur les associations et la séparation de l’Eglise et de l’Etat.
Or, notre petit village du Chesnay, fort de ses 2 300 habitants, est en 1878 imprégné du catholicisme et du conservatisme que ses anciens maires, notamment les Caruel, personnifiaient bien. Le glissement idéologique qui s’opère dans ces années précipite alors notre ville dans cette tourmente ! C’est à cette époque qu’Hippolyte Deslandes devient maire du Chesnay. Ce pépiniériste de 58 ans devenu rentier sur le tard est engagé dans la vie politique locale depuis 18 ans. Il y a cultivé sa réputation d’élu fiable, conciliant voire effacé.
Las… Poussé par le climat politique national et fort d’une popularité au Chesnay que ne démentent pas les élections successives, notre Hippolyte va révéler une personnalité de « bouffeur de curé » tout à fait typique des élus républicains progressistes de l’époque. Les élections municipales de janvier 1878 ont en effet consacré la victoire des Républicains, le maire sortant conservateur Emile Deslandes-Vinay ayant sagement choisi de se retirer…Les dix-huit années d’administration d’Hippolyte Deslandes qui suivront seront jalonnées de conflits religieux, le maire multipliant les vexations envers une population qui lui rendra parfois ses coups. Dès 1878, il crée une commission pour enquêter sur le coût de construction de la nouvelle école-mairie du 50 rue de Versailles, manière de mettre en défaut l’ancienne équipe qui a réalisé ce beau bâtiment public symbole de cette vitalité démographique que connait le Chesnay.Dans la foulée, il lance un conflit avec le curé du Chesnay, l’abbé Pilon, sur la compétence du transport des morts vers le cimetière. Le logement du sacristain-fossoyeur de la commune, accolé à l’église Saint Germain sera un autre sujet de conflit lorsque ces deux fonctions seront dissociées.
Dès lors, la guerre religieuse ne va plus cesser. Enfants de familles catholiques rayées des listes d’indigence, interdiction de la procession religieuse du 15 août 1879, création en 1881 d’une école laïque pour jeunes filles concurrente de l’école catholique voisine également gratuite, organisation d’une fanfare dirigée par le directeur ( laïc ) de l’école publique, refus de procéder aux travaux sur l’église Saint Germain... Les Conservateurs rendent coup pour coup en ouvrant une école publique religieuse pour garçons en face de l’école communale. Le contentieux va se dégonfler avec la construction de l’église Saint Antoine. L’idée d’une nouvelle église naît en 1888 pour répondre à l’étroitesse et la vétusté de Saint Germain ( peu entretenue, et pour cause ! ) et à son éloignement des nouveaux quartiers de la rue de Versailles, de la rue de Glatigny et du plateau Saint Antoine. Une demande de chapelle provisoire sur ce nouveau quartier est adressée à la mairie, sans succès jusqu’en 1894. Entre temps, un nouveau curé, l’abbé Boissis, a été nommé : le courant passe mieux avec la mairie. Il faut dire que le prêtre se démène pour financer sa nouvelle église, multipliant les initiatives originales. Décidément, l’abbé plait à la population. Par ailleurs, arrivent dans les nouveaux quartiers une nouvelle bourgeoisie riche et catholique, peu impressionnée et encore moins sympathique au maire : l’heure du retournement politique du Chesnay approche…1896 : âgé ( il a désormais 76 ans ), débarrassé de l’abbé Pilon ( son pire ennemi avec Deslandes-Vinay ) mais aussi usé et aigri par ces querelles de clochetons d’église et de mairie, Hippolyte Deslandes, facilement réélu à la mairie, cède son siège de maire à Pierre Chaulin. Il s’éteint quatre ans plus tard, en mai 1900 dans sa maison de la route de Saint Germain. Au loin s’élève peu à peu le clocher de la nouvelle église Saint Antoine dont l’inauguration cinq mois plus tard signera le regain religieux de la population chesnaysienne.
Il laisse le souvenir d’un maire au caractère trempé et querelleur, mais totalement dévoué à son mandat et dont certaines réalisations lui survivront longtemps.
Source : Annales du Chesnay de 2003
« Une Rue, une Histoire » vous amène aujourd’hui à la frontière Nord-Ouest de notre nouvelle commune. Et plus précisément sur le Chemin du Trou d’Enfer qui passe par notre ville sur quelques centaines de mètres tout en longeant l’ancien camp de Villevert.
Ce chemin, historiquement, mène au fort du Trou d’Enfer sur la commune voisine de Marly. Celui-ci avait été construit sur le champ éponyme entre 1878 et 1881 et faisait partie de tout un système défensif dont la France se dote après sa terrible défaite face à la Prusse.
Reprenons… En 1870, la France est battue en quelques semaines par la Prusse et perd toutes ses places fortes de la frontière ( Strasbourg, Metz… ). Il s’agit alors de reconstruire des forts aux ( nouvelles ) frontières et de protéger les villes stratégiques du pays, à commencer par Paris qui avait été assiégé pendant quatre mois terriblement éprouvants. Sont ainsi édifiés, à l’instigation du Général Séré des Rivières, deux lignes de dix-huit forts qui enserrent la capitale, en utilisant toutes les techniques d’artillerie modernes. Le fort du Trou d’Enfer, environné de ceux de Noisy, Bois d’Arcy et Saint-Cyr, présente un plan trapézoïdal et est constitué d’un pont mobile à l’entrée, de deux magasins à poudre, de six batteries ( position d’artillerie généralement aux angles des fortifications ) et de casernements pour 800 soldats et officiers. On s’en doute vu les guerres qui suivirent, le fort n’a jamais servi contre un envahisseur ( les premiers chars de la Guerre de 1914-1918 y sont essayés en 1916 ). Reconverti pour l’élevage du gibier destiné aux chasses présidentielles, il est aujourd’hui propriété de l’Office National des Forêts qui utilise une partie des installations comme centre de sensibilisation à l’environnement et à la biodiversité â
Sources : www.memoire-et-fortifications.fr / www.fortiffsere.frwww.onf.fr / www.mairie-bailly.fr
Les Caruel, c’est une famille de Normands installés au Chesnay sous Napoléon.
Souviens-toi de la Place du Souvenir français !
L'avenue Jeanne Léger symbolise à elle seule la fin d’une époque et le commencement d’une autre. Elle fait aussi partie du club des rues de notre ville qui portent le nom du propriétaire des terrains sur lesquels elles ont été percées.
En 1890, la propriété du Chesnay est vendue par les héritiers de Paul Caruel de Saint Martin ( rappelez-vous, ce député-maire polyglotte de notre ville ). Celle-ci est alors démembrée : la ferme et les très nombreuses terres qui dépendent du Chesnay sont vendues aux Doidon et passent ainsi aux Poupinet. Le château est quant à lui vendu d’abord à Maurice Sigismond Sulzbach, banquier francfortois. Jeanne Léger avait épousé en première noces son cousin Louis-Paul Piégu, copropriétaire et directeur du journal radicaliste Le Petit Parisien, qui dans ses grandes heures, tirait au million d’exemplaires, dépassant son concurrent, le très populaire Petit Journal ! Après la mort soudaine de son premier mari en 1888, elle épouse Louis Ernest Léger en 1891. Cinq enfants naitront de ces deux unions. Installée à Bueil (Touraine) lors de la Première Guerre mondiale, elle a laissé à cette ville un souvenir mémorable, s’occupant de jeunes enfants et finançant la nouvelle salle des fêtes de la commune.
Son second mari meurt en 1905. En 1922, probablement pour quitter définitivement Paris s’en trop s’en éloigner, Jeanne Piégu rachète le château du Grand Chesnay aux enfants de Maurice Sigismond Sulzbach. Malheureusement toute la fortune de ses deux maris, que Louis-Ernest Léger avait bien gérée, ne peut suffire à entretenir le château qui se délabre d’année en année. La baisse des rendements agricoles, la dévaluation du franc et le blocage des loyers instaurés en 1918 achèvent de tuer la rente. Le parc n’est plus entretenu, les façades s’écaillent. On a alors recours à des expédients. Le plus important d’entre eux sera l’allotissement en 1925 de 7 des 25 hectares du parc, au Nord et à l’Ouest du château. Des maisons seront construites donnant sur une rue qui longe le parc rétréci : ce sera l'avenue Jeanne Léger ! Au nord, l’avenue du Parc double l'avenue Jeanne Léger, que l’avenue du Château et l’avenue du Chesnay relient. Cela ne suffire pas, à terme, à sauver la situation financière du château… En 1932, celui-ci est vendu à l’aciériste breton Pierre Aubert.
Cinquante années plus tard, la partie Est du parc est arasée pour construire le nouveau centre hospitalier de Versailles. Quittant l’hôpital Richaud, désormais vétuste et inadapté, Cette avenue Jeanne Léger est un témoin : celui de ces grandes propriétés agricoles dont le rendement est devenu insuffisant pour permettre l’entretien des maisons qui en sont le centre et de l’engloutissement de fortunes dans leur maintien avant leur ultime démembrement.
« Une Rue, une Histoire » vous amène square Géricault, du nom de ce peintre génial du XIXe siècle à qui nous devons, notamment, Le Radeau de la Méduse.
Ce Normand né sous la Révolution et scolarisé à Paris se révèle rapidement bien plus attiré par la peinture que par l’école. Jeune prodige, il connaît un début de gloire en 1812, lorsqu’à 21 ans, il présente au Salon officiel son tableau : Officier de chasseurs à cheval de la garde impériale chargeant, tableau reprenant deux de ses sources d’inspiration favorite : l’armée impériale, et les chevaux. Le Radeau de la Méduse, présenté en 1819, lui apporte une renommée définitive, malgré un accueil mitigé en France. Il meurt au début de l’année 1824, des suites d’une chute de cheval ( il aimait monter les plus fougueux… ) et vraisemblablement d’une maladie vénérienne.
Quel rapport avec notre ville, direz-vous ? Il se trouve que sa mère était une Caruel… sœur de Jean-Baptiste Caruel, propriétaire du Château du Chesnay et maire de la ville. C’est d’ailleurs cet oncle fortuné qui favorisa le jeune Théodore vers la peinture et à l’inscription à l’Ecole des Beaux-Arts.
Malheureusement, Géricault s’éprit d’Alexandrine de Saint-Martin, sa jeune tante ( elle a six ans de plus que le peintre ) et épouse de Jean-Baptiste Caruel. De cette liaison incestueuse naquit en 1818 un fils caché ( Georges-Hippolyte ) et une interdiction formelle faite à Géricault de ne jamais revenir au Chesnay ! Il sombra peu à peu dans une triste mélancolie qui se ressent dans la suite de son œuvre. Restent néanmoins des moments passés pendant cinq ans par Géricault chez son oncle et sa tante plusieurs esquisses et études faites du château et de son parc, voire de Chesnaysiens et même du maréchal-ferrant de Rocquencourt â
Sources : Géricault au Chesnay, Jean-Louis Berthet, 1991. Le Château du Grand-Chesnay, Denis Michel-Dansac, Les Cahiers du Chesnay, 2010, n°7
Paul Garnier, ancien combattant…
Encore un aviateur !
Moxouris… Drôle de nom qui ne renvoie à aucune personnalité connue du Chesnay ou d’ailleurs. Ce nom trouve en fait son origine dans une ancienne expression du XVIIIe siècle sous des orthographes différentes : Moqsouris, Mocsouris et, en français contemporain : « moque-souris ».
Cette expression désignait l’endroit où même les souris venaient à manquer, bref une terre tellement inculte ou stérile que même ces rongeurs désertaient faute de subsistance. Certains toponymistes vont jusqu’à prétendre que Moque-Souris ( ou Trompe-Souris ) pouvait désigner des moulins qui, manquant d’eau pour les faire tourner, étaient laissés à l’abandon d’où absence de grain, ce qui provoquait le départ des souris.
Tournant le dos au Grand Chesnay, la rue Moxouris était historiquement, après quelques maisonnettes, bordée de champs et prés. Mais rien ne nous indique qu’ils étaient improductifs.
On retrouvait – et on retrouve encore – des « Moque-Souris » dans tout l’Ouest de Paris et plus largement de la France, certains disparus, d’autres restés jusqu’à nos jours. Le fief de Moxouris à Paris, cité par Buffon est désormais connu sous le nom de Montsouris. Etang de Mocq Souris à Gambais ( Yvelines ), d’autres Mocsouris à Houdan, Linas, Rambouillet ou Chevreuse ( toujours dans les Yvelines ), trois Mocque Souris dans le Poitou ( communes des Aubiers, d’Epargnes et de Saint-Xandre ), et quelques Mocsouris dans le Loiret ( Beaugency, Boiscommun, Ingré, Lailly-en-Val et Ligny-le-Ribault ), en Vendée ( à la Gamache ) et en Ille-et-Vilaine ( Châtillon-sur-Seiche ). Entre autres !
Pour la petite histoire, cette rue assure la frontière entre Rocquencourt et le Chesnay sur quelques centaines de mètres notamment suite au choix en 1968 des habitants de la nouvelle résidence parlysienne de Passy, à cheval entre les deux villes, d’être raccrochés à Rocquencourt.
Sources :Paysage d’Yvelines à la fin du XVIIIème siècle, par Molhiet et Bertier de Sauvigny – 1996La Lettre de Parly 2 – mars 1990 – n°90Les Noms de lieux dans la région Poitou-Charentes : leur signification et leur histoire, par Jacques Duguet – 1986Les noms de lieux du Loiret: recherches sur l'origine et la formation des noms de lieux du département du Loiret, par Jacques Soyer – 1933
Il n’a pas de rue à son nom, et pourtant… A ce jour, il est le seul Chesnaysien connu enterré sur une place de la ville : au chevet de l’église Saint Antoine très exactement. Curieuse histoire que celle de cet abbé Boissis, qu’il a racontée lui-même vers la fin de sa vie. Ce natif de Frouville ( Val-d’Oise ) en 1846, prêtre du diocèse de Versailles, n’avait aucune envie de venir au Chesnay. Et pourtant, il va en marquer définitivement la physionomie.
Reprenons ! Le 7 mai 1894, l’abbé Boissis, curé du petit village de Roissy ( le futur aéroport… ) est nommé par son évêque au Chesnay … Passablement déçu de quitter une petite communauté dans laquelle il est bien, notre abbé se rend dans sa nouvelle paroisse dans les jours qui suivent, dans sa nouvelle paroisse. Et ce qu’il y voit n’a rien pour le séduire ! Accueilli par son prédécesseur, l’abbé Pilon, il découvre une église Saint Germain et un presbytère délabrés avec des fuites un peu partout ; une ville de guingois, tiraillée entre cet ancien quartier du Grand Chesnay et le « nouveau » Chesnay qui se bâtit sur la rue de Versailles, la rue de Glatigny et le plateau Saint Antoine. Et aussi, une municipalité anticléricale dirigée par le redoutable et charismatique Hyppolite Deslandes, avec lequel l’Abbé Pilon est en guerre larvée depuis plus de dix ans…
Pour couronner le tout, la mission conférée par l’évêque ( Monseigneur Goux ) est on ne peut plus claire : charge à l’Abbé Boissis de construire une nouvelle église dans ce tout aussi nouveau quartier… sur un terrain que son propriétaire refuse mordicus de vendre ! Par trois fois dans le mois qui suit, notre abbé se rendra à l’évêché de Versailles pour demander l’annulation de cette nomination. La réponse sera nette : l’abbé Boissis sera curé du Chesnay.
Voici donc notre nouveau curé arrivant un 1er juillet 1894 dans sa nouvelle paroisse. Première mission : trouver des fonds pour construire son église. Les évènements vont alors lui sourire. Dans le même temps, est arrivé à Versailles un prêtre italien qui a reçu du Pape Léon XIII la mission de développer le culte de Saint Antoine de Padoue en Europe. Aussitôt averti, l’abbé Boissis lui adresse une lettre pour plaider la cause de sa paroisse et de son besoin d’église. Surtout, l’abbé joue sur l’importance qu’a déjà Saint Antoine au Chesnay ( le quartier de Saint Antoine du Buisson, le boulevard Saint Antoine ) et qu’importe si ce n’est pas le même Saint Antoine !
Conquis, l’envoyé du Pape lui adresse une somme de 10 000 francs. Elle servira à bâtir une modeste chapelle provisoire… Provisoire et élevée en un mois mais dont l’inauguration en avril 1895 connaîtra un engouement sans précédent qui ne se démentira pas dans les mois qui suivront.
Cette effervescence autour d’une très modeste chapelle, mais très attendue et dédiée à un saint populaire va permettre de faire rentrer des fonds… De très importants fonds.
Dans le même temps, La Semaine Religieuse de Versailles, le journal édité par le diocèse de Versailles, lance une souscription. Et les dons pleuvent. L’abbé Boissis, qui avait commencé à faire du porte à porte pour recueillir des dons ( 12 francs et un refus ferme au bout de trois portes avaient douché sa motivation ) puis des appels papier à souscription ( dont le résultat fut si mauvais qu’il ne couvrit même pas les frais d’impression ) se laisse dès lors mener par la Providence en laquelle il est fortement attaché.
Le terrain choisi se libère également comme par enchantement : son propriétaire décédé à la fin de l’année 1896, sa veuve et ses enfants acceptent de le vendre, participant même à la construction de l’église. Les travaux commencent quasi-aussitôt, la bénédiction de la première pierre (fondation faites) a lieu le 19 avril 1897.
Leyendecker, architecte versaillais de renom qui signe de nombreuses maisons du quartier, est choisi pour construire l’église. Généreusement, l’architecte fera don de ses honoraires à la construction de l’église ( qui, il faut bien l’avouer, lui fera une belle publicité ). L’entrepreneur Lucas sera en charge des travaux et connaîtra bien des péripéties : la Grande Exposition de 1900 éloignera bien des ouvriers et des matériaux du chantier de l’église.
D’année en année, les travaux engloutiront plusieurs centaines de milliers de francs… Sommes que l’abbé Boissis payera toujours rubis sur ongle. C’est finalement une belle église de style néo-gothique qui s’élève, sobre, relativement dépouillée, mais lumineuse grâce à ses grands vitraux.
3 ans après le premier coup de pioche, le 18 novembre 1900, l’église est bénie solennellement par l’évêque de Versailles. Est-elle terminée ? Comme le dira l’abbé Boissis, les murs et le toit étaient là, mais ni les vitraux, ni le mobilier, ni même le clocher dont l’échafaudage dépasse alors à peine du toit de la nef.
3 ans seront encore nécessaires pour terminer le clocher. Les orgues et la plupart du mobilier de l’église attendront 1905, les vitraux 1906, le tympan de l’entrée de l’église et les cloches 1910 ! L’abbé Boissis était un homme pressé !
Enfin l’église achevée et le nouveau quartier dans laquelle elle prenait place durablement transformé, l’abbé Boissis pouvait savourer le plaisir d’officier dans sa paroisse. Plaisir qui se prolongea jusqu’à 1927, date à laquelle, ayant dépassé les 81 ans, il fut admis à la « retraite » comme chanoine de sa propre paroisse.
En 1933 décédait ce prêtre heureux… Et comme il fallait bien lui rendre un dernier hommage, ce fut à l’ombre de son église qu’on l’enterra. Avec ce verset de l’Apocalypse comme épitaphe : « Heureux ceux qui meurent dans le Seigneur, leurs œuvres les suivent. »
Sources : La construction de Saint Antoine du Chesnay ou les miracles de l’Abbé Boissis, Père André VénardLes églises du Chesnay, Mmes Hude et Lagarde, MM. Asselbergs, Berthet et Lefas, Annales du Chesnay, 1989
Le Général Exelmans, Chesnaysien d’un jour…Une rue une histoire remonte aujourd’hui le boulevard du Général Exelmans et traverse sa place. A noter d’ailleurs que comme pour Leclerc, notre ville semble occulter que ce brave général fut élevé par la suite à la dignité de Maréchal de France, gardant le grade qu’ils avaient lorsque leur destin leur fit croiser notre ville de près ou de loin. La vie ne destinait pourtant pas Rémi Exelmans à passer par notre ville… Né en 1775 dans une bonne famille bourgeoise de Bar-le-Duc, ce Lorrain vit pourtant son destin prendre une toute autre tournure un 6 septembre 1791. Ce jour-là, délaissant ses études, il s’engagea dans le 3ème bataillon des volontaires de la Meuse commandée par Oudinot, un autre barisien promis à un avenir tout aussi glorieux.
Aux portes du royaume, la guerre grondait à mesure que la menace d’une invasion prussienne grandissait. Et la Révolution encore vacillante s’apprêtait à entrer dans un conflit de dix ans. Mais les cadres de l’armée étaient bien clairsemés, vidés de nombreux aristocrates partis en exil. Les guerres de la Révolution puis de l’Empire marquent alors une formidable opportunité de carrière pour de braves et méritants soldats du rang, amenés à combler le vide laissé par ces officiers. Exelmans en fait partie.
Campagne d’Italie, Wertingen, Austerlitz, Iéna, la campagne d’Espagne la Moskowa…Cavalier émérite, Exelmans a traversé presque tous les champs de bataille et y a laissé de nombreux chevaux tués sous lui. Fait prisonnier en Espagne, il est extradé en Angleterre dont il s’évade avec un compagnon en traversant la Manche sur une barque. Chef d’escadron en 1803, il est colonel en 1807 et général de brigade en 1807 puis général de division en 1814 lors de la bataille de la Moskowa. Repéré par le maréchal Murat, il entre à son service comme aide de camp brièvement en 1807 puis en 1811. Mais lorsque la brouille entre Murat (devenu roi de Naples) et Napoléon se fait jour, il préfère rejoindre la Grande Armée pour participer à la désastreuse campagne de Russie de 1812 puis aux campagnes de 1813 et 1814 qui marquent le recul constant des troupes impériales en Europe puis en France même.
La première abdication de Napoléon en avril 2014 permet le retour des Bourbons et de Louis XVIII sur le trône de France.Soucieuse de s’attacher les anciens cadres de l’Empire, la première Restauration maintient à Exelmans son grade et le titre de comte accordé par l’Empereur. Elle le nomme également à l’inspection générale. Pourtant, resté en contact avec Murat à Naples et détesté du Ministre de la Guerre Soult, Exelmans est mis en accusation, destitué de l’inspection générale et contraint à demeurer chez lui, dans la Meuse. Poursuivi et fait prisonnier, il est finalement acquitté et peut revenir à Paris. C’est là qu’il apprend le 1er mars 1815 le débarquement de l’Empereur déchu (et le début des Cent Jours) à Golfe Juan. Il se précipite le 19 mars à Saint-Denis où il n’a aucun mal à retourner contre le roi les anciens soldats et officiers de l’Empire que la monarchie entendant faire marcher contre Napoléon. Il faut dire qu’en licenciant une grande partie de l’armée (pour couvrir les dettes de l’Empire et les indemnités de guerre), la Restauration s’est fait autant d’ennemis jurés... Ayant fait arborer le drapeau tricolore sur le palais des Tuileries, abandonné par une famille royale en fuite vers la Belgique, il peut y accueillir l’Empereur le lendemain.
La guerre reprend, dernier sursaut de l’Empire.Et Exelmans contribue, sous la direction du maréchal de Grouchy, à la victoire de Ligny le 16 juin. Le surlendemain, alors qu’ils croient poursuivre l’infanterie prussienne (en réalité un petit détachement), Exelmans et ses hommes entendent au loin la canonnade de Waterloo. Ses adjurations envers Grouchy de changer de route et de porter appui à l’Empereur restent lettre morte : l’absence de Grouchy en renfort sur le flanc droite des armées de Napoléon va ainsi s’avérer décisif pour l’issue de la bataille de Waterloo.
Désormais, la défaite est certaine et partout, les armées françaises reculent et se délitent, repoussées toujours plus loin par un ennemi en surnombre. Pourtant, Exelmans et ses troupes sont pourtant en bon ordre. C’est ainsi que le 30 juin, Exelmans apprend que les Prussiens sont entrés et s’apprêtent à camper dans Versailles. Ce mouvement obéit à une logique d’encerclement progressif de Paris pour pousser le gouvernement provisoire à capituler sans conditions. Saisissant l’opportunité de prendre l’ennemi par surprise, Exelmans partage ses forces en trois colonnes pour l’encercler. Il prévient également la garde nationale de Versailles de fermer les grilles des octrois, au Nord, pour que la ville se transforme en nasse…
Au matin du 1er juillet, deux colonnes arrivées de Bourg-la-Reine et Chatillon via Vélizy surprennent l’ennemi par l’Est et par le Sud de Versailles. Submergés, les Prussiens fuient en désordre vers le Nord-Ouest par les actuels boulevard du Roi et boulevard Saint Antoine. Les grills de la ville n’ont pas été fermées : la municipalité versaillaise, monarchiste, avait la veille accueilli prudemment les Prussiens pour éviter tout pillage.
Les Prussiens remontent ensuite, toujours dans un grand désordre, par la route de Saint Germain jusqu’à Rocquencourt. Là, ils sont pris en embuscade et taillés en pièce par la dernière colonne, arrivée de Ville d’Avray. Les fuyards s’éparpillent dans les champs du Chesnay où ils sont harcelés par la population jusqu’à la ferme de Poupinet où les derniers soldats, acculés et cernés, se rendent. Sur les 1 500 hussards pris au piège, 1 000 à 1 100 sont hors de combat ou prisonniers, dont leur chef le Colonel Eston Von Sohr.
Ainsi se termina la célèbre bataille de Rocquencourt, dernier combat victorieux de l’Empire.
Le soir-même, Exelmans espéra rallier un corps d’infanterie à Marly… Ce sont en fait 5000 soldats ennemis qu’il devait y rencontrer. Replié à Versailles puis à Viroflay, il retourna le lendemain occuper Arcueil et Montrouge où il reçut la nouvelle de l’Armistice le 3 juillet.
Et les Chesnaysiens ? Qu’allaient-ils devenir après ce dernier haut fait d’armes achevé sur leur sol ?Notre ville, comme Rocquencourt, Vélizy et même la complaisante Versailles durent subir et payer chèrement les conséquences de cette victoire. Dès le lendemain de la bataille de Rocquencourt, les Prussiens étaient de retour à Versailles, plus nombreux et surtout directement menés par leur impitoyable chef, le feld-maréchal Blücher ! Ce fut une journée de pillage, d’assassinats et de viols. Les Chesnaysiens en furent relativement épargnés grâce à l’interposition courageuse de Jean-Baptiste Caruel. Propriétaire richissime et influent, maire et châtelain du Chesnay, lui seul put tenir tête et faire reculer les Prussiens. Dure et chère victoire…
Que devait devenir Exelmans, après cette escapade chesnaysienne ?Cette fois-ci, Exelmans était définitivement et irrévocablement compromis aux yeux de Louis XVIII et de sa famille, de retour pour une seconde Restauration du trône. Replié avec ses troupes à Riom, c’est de là-bas qu’il est contraint à l’exil, toujours plus loin : de Bruxelles à Liège, puis de Liège à Nassau.
En 1819, pourtant, sa femme puis lui sont autorisés à rentrer en France. Discret sur ses fidélités, il est rétabli dans le cadre de disponibilité pour l’Etat-Major la même année et promu inspecteur général de la cavalerie en 1828. Cette clémence des Bourbons ne sera pas payée de retour. Toujours fidèle à ses convictions, Exelmans tente de jouer un rôle lors des journées révolutionnaires de 1830.
Arrachant une mission d’interposition entre l’armée et les émeutiers parisiens à qui il doit annoncer la démission du ministère, mesure censée calmer et apaiser les tensions, il n’est pourtant pas reconnu des seconds ! Dans une nation jeune, le souvenir de généraux de Napoléon qui n’étaient pas du tout premier cercle s’est bien estompé… Il n’en est pas moins fait Pair de France par Louis-Philippe, nouveau roi des Français. Désormais libre de parole, il tente d’obtenir l’annulation des lois d’exil contre la famille Bonaparte. Mais ces prises de position ne vont pas jusqu’à soutenir la tentative de coup d’état de Louis-Napoléon Bonaparte à Strasbourg en 1836.
Celui-ci ne lui en tiendra pas rancune. Elu président de la République par la toute jeune Seconde République en décembre 1848, le désormais prince-président Louis Napoléon Bonaparte le nomme Grand-Croix et Grand-chancelier de la Légion d’Honneur en 1849. Suprême honneur, il est élevé à la dignité de Maréchal de France le 10 mars 1851. Dignité dont il ne profita guère : il mourut d’une chute de cheval un an plus tard, en juillet 1852.
Avec son bon kilomètre de longueur, la rue de Glatigny est la deuxième plus longue de notre ville. Elle fait référence à l’un des lieux-dits les plus anciens de la plaine de Versailles, la seigneurie de Glatigny. On retrouve sa trace dès 1209 lorsque sa dame, une certaine Pétronille de Glatigny fait don de terres chesnaysiennes appartenant à la seigneurie à l’abbaye de Saint Germain des Prés, dont relevait justement notre ville.Aux XIVème et XVème siècles, elle est la propriété d’une famille des Essarts qui gravite autour des rois Valois, puis jusqu’en 1675 de la famille Briçonnet, également hauts dignitaires du royaume. Proche de la capitale des monarques capétiens puis valoisiens, elle attire en effet les grands commis d’Etat.
En 1675, elle est rachetée par Louis XIV, pas encore définitivement installé au château de Versailles. La même année, il acquiert les seigneuries de Marly, de La Celle, du Chesnay et de Bougival qu’il intègre dans le domaine du parc. Celle de Glatigny est mise à disposition de Madame de Montespan, maîtresse royale qui fait édifier par Jules Hardouin-Mansart le fastueux château de Clagny à la limite nord de l’étang, à l’endroit où se situe aujourd’hui la gare de Versailles Rive Droite. Le parc boisé de Glatigny va ainsi être annexé au parc de Clagny. Clagny passe ensuite à l’enfant adultérin de Louis XIV et de Madame de Montespan, le duc du Maine jusqu’à sa démolition en 1769 : coûteux d’entretien, le château gênait le développement du bourg de Versailles.
Saisi par la Révolution, le manoir de Glatigny passe à la famille Gondouin puis à celle des Fourcault de Pavant ( dont un des membres sera député de Seine-et-Oise ). Les terres sont quant à elles progressivement alloties pour bâtir de belles villas ou encore l’école Saint Jean de Béthune. Le manoir devient en 1899 propriété des Petites Sœurs des Pauvres avant de disparaitre définitivement.
A quoi ressemble Glatigny ? C’est une seigneurie relativement vaste… Elle s’étend de l’actuel parc Sans-Souci à la rue des Missionnaires à Versailles et de la rue de Versailles au Chesnay jusqu’à la seigneurie de Jardies ( Jardy ) qui s’élève sur la colline de Saint-Cloud. Elle est constituée d’un solide manoir adossé à la colline de Saint Cloud qui a disparu depuis 2005. A sa place s’élève aujourd’hui la nouvelle maison de retraite des Petites Sœurs des Pauvres. Tout autour s’étendent de nombreuses terres, jardins et vergers ainsi que le gigantesque étang de Clagny.
Les nombreux vergers et peupleraies qui recouvrent les terres chesnaysiennes sont une explication des noms arboricoles de certaines rues qui donnent sur notre rue de Glatigny : rue des peupliers, rue des acacias, rue de la pépinière… La seigneurie avait également son hameau, vraisemblablement au niveau de la Place Laboulaye, à cheval sur les communes actuelles de Versailles et du Chesnay. Elle comptait une dizaine de foyers ( une petite centaine de personnes ), ce qui indique une relative importance. Selon les époques, on a pu y trouver un boulanger, un cordonnier et une taverne.
Sources : Histoire du diocèse de Paris contenant les paroisses et terres du doyenné de Châteaufort – Volume 7 – Abbé Lebeuf – 1762Versailles, Histoire, dictionnaire et anthologie – sous la dir. De Mathieu da Vinha et Raphaël Mason – 2015Les annales du Chesnay – n°27 – 2013
Arboricole, Le Chesnay l’est, indubitablement ! Que ce soit par le chêne frappé sur son blason, par sa feuille du même arbre qui figure sur son logo ou encore par la pléthore de rues qui portent des noms d’arbres : Acacias, Peupliers, Cytises et Marronniers… Nombre de variétés y passent ! Deux rues se distinguent en particulier : les rues de Jussieu et Duret. Il ne s’agit point d’espèces mais de deux savants botanistes… Claude Duret, issu d’une lignée de médecins royaux, est juge royal au XVIème siècle. Son apport à la science botanique se résume à une jolie Histoire admirable des plantes, compilation de tous les contes et légendes connus sur les arbres, à commencer par l’Arbre de la Vie mentionné par la Genèse dans la Bible et dont il propose même un dessin.
Bernard de Jussieu, botaniste attaché au roi en 1722 constitua un cabinet d’Histoire naturelle et multiplia les travaux botaniques. Ce scientifique d’une grande humilité fut chargé par Louis XV de constituer à Trianon une collection de tous les végétaux présents en France, ce qui n’était pas une mince affaire ! Il créa pour cela un petit jardin botanique à la limite de Chèvreloup et de Trianon, première ébauche du futur arboretum.
Pas de lien immédiat avec le Chesnay donc, si ce n’est le voisinage de Trianon pour Jussieu. Ces deux rues sont toutefois situées à l’emplacement des anciennes pépinières royales. Revenons un peu en arrière… En 1660, Louis XIV annonce sa volonté de reprendre en main le domaine de Versailles. Les grands travaux sur le château et dans le parc commencent et les acquisitions de terrain, notamment au niveau de la Porte Saint Antoine, se multiplient. Sur ces derniers terrains, on plante des ormes, des marronniers. Le roi aime les fleurs et les arbres, et il s’agit de lui en procurer !
Trois grandes allées sont d’ailleurs tracées en patte d’oie depuis la porte Saint Antoine : la route de Saint Germain et l’avenue du Chesnay (actuelle avenue Dutartre) qui existent toujours, ainsi que la route de la Couée aujourd’hui disparue et qui menait au Bel Air et à l’actuel Hôpital Mignot.
La Révolution provoqua la déliquescence des pépinières royales de la Porte Saint Antoine, que l’Empire de Napoléon Ier tenta de relever sous le nom de « grandes pépinières ». On revint peu à peu à une horticulture privée qui se répandit rapidement au Chesnay, les jardiniers et maraichers représentant plus de 5% de la population au long du XIXème siècle. Les plantes et arbres étaient généralement achetés par des enseignes parisiennes qui les revendaient et les exportaient ensuite au prix fort. C’est une activité lucrative et réputée, mais également très exigeante en soins des plantes, par toutes saisons.
La vocation horticole du Chesnay et de Rocquencourt est confirmée en 1921 lorsqu’une commission spéciale instituée par le Muséum d’Histoire naturelle retient le site de Chèvreloup (de l’autre côté de la route de Saint Germain) comme lieu d’installation du nouvel arboretum national. L’idée est alors de déménager le Jardin des Plantes, cerné par la pollution parisienne.
Le projet est grandiose et pendant plusieurs années, de très vastes pépinières sont créées pour installer près de 32 000 plantes selon un plan pharaonique à la mesure du parc de Versailles avec grandes allées, parterres et allées, verger, et même un zoo… Mais les crédits manquent et après l’enthousiasme des débuts, le projet sombre dans l’oubli : l’arboretum de Chèvreloup, présenté comme le futur plus beau jardin botanique du monde, est réduit à portion congrue quoique déjà admirable par la qualité des plants qu’on y trouve. On ne peut parler de ces rues et du passé horticole du Chesnay sans rendre hommage à la famille Truffaut.
Les Truffaut sont une sacrée famille… Descendants d’un jardinier royal à Versailles et à Trianon, ils se lancent dans l’horticulture au début du XIXème siècle à Versailles et, par recours sans cesse aux dernières innovations ( serres chauffantes, engrais… ) arrivent à s’imposer comme une des premières jardineries de France.
Ils se font remarquer en 1917 lorsque Georges Truffaut, rapatrié du front et démobilisé, installe dans le parc de Trianon les pépinières nationales de Trianon. Pendant deux ans, celles-ci tournent à plein régime pour apporter aux poilus, sur le front, des légumes et fruits qui manquent terriblement à leur alimentation. Il faut imaginer alors l’orangerie de Versailles transformée en quartier général agricole et une centaine de Vietnamiens (Annamites et Tonkinois) à pied d’œuvre pour faire pousser toutes sortes de légumes. En deux mois, quatre millions de légumes divers sont envoyés sur le front pour nourrir 300 000 hommes.
C’est dans l’après-guerre, en 1919, que Georges Truffaut installe un établissement grainier de 3000 mètres carrés dans notre ville, le long de la route de Saint Germain. L’établissement est encore développé après 1945 avec l’accueil de 25 hectares de culture florale délogés de Versailles par la promotion immobilière d’après-guerre : la France est à reconstruire et les jardineries Truffaut, installées avenue de Paris en plein cœur de Versailles, prennent décidément trop de place.
L’aventure Truffaut au Chesnay prit un tour nouveau lorsqu’en 1965, la promotion immobilière rattrapa définitivement Le Chesnay par l’entremise de Robert de Balkany et du projet de Parly 2. Les derniers terrains de tous les horticulteurs chesnaysiens, qui avaient déjà quitté la rue Caruel de Saint Martin précédemment et vendaient un à un leurs pépinières de la route de Saint Germain à divers promoteurs, furent vendus à Parly 2. Et de Truffaut, il ne subsista que la jardinerie et la maison du directeur, dite « Devillers ».
Comme beaucoup d’autres, les rues Duret et de Jussieu furent alloties. Ainsi ces deux rues rendent hommage à ce passé horticole du Chesnay dont il suffit de traverser la route de Saint Germain pour en contempler, à l’arboretum de Chèvreloup, la mémoire la plus vive.
Sources : De Louis XIV à Truffaut, les Pépinières du Chesnay et de Rocquencourt – Eliane Michelon – 1994 – Le Chesnay d’Hier à Aujourd’huiHistorique de l’arboretum de ChèvreloupHistorique des Jardineries Truffaut
La rue Louis Pelin est l’une des plus anciennes du Chesnay. Elle menait du petit bourg historique du village au château de Beauregard (aujourd’hui disparu) et rend hommage à Louis Pelin, premier maire connu du Chesnay. Connu car l’institution des maires remonte, bien avant la Révolution, au lointain Moyen-Âge. Mais il faut attendre 1787 pour que soit instituée une municipalité dans chaque paroisse. En 1789, les communes sont officiellement substituées aux paroisses et désormais dirigées par un maire élu au suffrage censitaire. Le Chesnay a peut-être connu d’autres maires avant Pelin et la Révolution, mais nous n’en avons pas trace.
C’est dans ce tout nouveau cadre que Louis Pelin est élu maire du Chesnay fin 1789 ou début 1790. A dire vrai, il n’est pas inconnu : âgé de 53 ans, célibataire, ce natif de Soissons habite au Chesnay depuis sept ans. Il est qualifié de « propriétaire » et exerce une charge d’ « officier de la Reine » à Versailles. Curieusement, son nom n’était pas apparu parmi les signataires des cahiers de doléances adressés au roi par les Chesnaysiens ( comme tous les Français ) en 1788. Dans cette période d’effervescence révolutionnaire où tous font assaut de civisme et de profession de foi révolutionnaire et citoyenne, la plus importante tâche du maire Pelin est de mettre sur pied la garde nationale, milice à laquelle sont astreints tous les citoyens du Chesnay. 70 hommes… pour deux fusils ! Qu’on a d’ailleurs acheté en vendant préalablement quatre arbres appartenant au roi et gracieusement offerts par lui. Rapidement impopulaire, peu utile et mal armée, la garde nationale tombe en désuétude : on se plaint des patrouilles de nuit (peu à peu abandonnées), du mauvais entretien du corps de gardes et de celui des deux fusils. Ces derniers sont d’ailleurs remplacés par des hallebardes...
Entre temps, les guerres révolutionnaires ont plongé la France dans une tourmente de vingt-cinq ans. La Nation est en danger et un appel aux volontaires est lancé dans toutes les communes. Louis Pelin obtient en 1792 l’enrôlement de dix jeunes Chesnaysiens qui s’ajoutent aux deux partis l’année précédente. On construit également un nouveau lavoir pour remplacer l’ancien ( que la construction du Petit-Trianon avait asséché ). On embauche un tambour pour battre la caisse à chaque annonce….
Louis Pelin ne se représente pas lors des élections de décembre 1792 et cède la place à Morin. Confortablement installé dans la grande maison qu’il s’est fait construire rue de Versailles ( aux numéros 67-69 ), on le revoit en 1794 président de la société populaire du Chesnay ( sorte d’association de propagation du culte révolutionnaire ) puis assesseur du juge de paix pour Le Chesnay. Il s’installe en 1810 à Versailles et quitte ainsi la vie politique chesnaysienne.
Finalement, que reste-t-il de la Révolution au Chesnay ?
Comme un peu partout, les Chesnaysiens en attendaient ( cela figurait dans leurs cahiers des doléances ) une baisse de la pression fiscale par suppression de la taille et de la gabelle, le droit d’éliminer le gibier ( qui pullulait dans le parc royal et endommageait les cultures ), la lutte contre l’arbitraire des agents royaux ( surtout les garde-chasse) , et évidemment une nouvelle constitution. Si nouvelle constitution il y a eu, la pression fiscale n’a pas baissé, bien au contraire. Les guerres y sont pour une grande part. Après l’abandon de sa charge par le curé jureur Damas, l’église du Chesnay est transformée en temple républicain en 1793 avant d’être abandonnée. Surtout, l’abandon de Versailles sonne la fin des libéralités royales, voisinage parfois encombrant mais le plus souvent accommodant : on s’adressait directement au roi qui était seigneur d’une grande partie du Chesnay. Par ailleurs, le soin qu’il prenait des pauvres de Versailles et des environs disparaît avec lui et les municipalités doivent apprendre à trouver en elles-mêmes les ressources pour les aider.
Cet éloignement du pouvoir avec la chute de la monarchie et l’abandon de Versailles ( et de toute cette vie économique qui foisonnait autour du château ), conjugué aux guerres révolutionnaires et impériales, provoquent le déclin de la population du Chesnay. En trente ans, Le Chesnay perd ainsi un quart de sa population.
Sources : Le Chesnay : un peu d’histoire et quelques récits, Xavier DelormeAnnales du Chesnay, 1995 : Louis Pelin, premier maire du Chesnay, par Jean BrunetAnnales du Chesnay, 1989 : La garde nationale du Chesnay (1790-1791), par Jean-Louis BerthetAnnales du Chesnay, 2008 : Le Chesnay sous la Révolution, par Denis Michel-DansacAnnales du Chesnay, 2005 : La maison de Louis Pelin, par Denis Michel-DansacLe Chesnay jadis et aujourd’hui, Emile Houth
Napoléon, après sa défaite à Waterloo et sa deuxième abdication, s’est-il arrêté au Chesnay ? Cette question est suggérée par la légende, tenace, qui voudrait qu’il ait oublié sa redingote grise dans une maison au niveau du carrefour actuel qui en porte le nom. Les légendes ont la vie dure, même quand elles ne reposent sur aucune base solide… Et celle-ci ?Reprenons l’Histoire telle qu’elle est connue et établie. Le 18 juin 1815, la défaite de Napoléon à Waterloo sonnait la fin de l’épopée napoléonienne des Cent Jours, commencée le 1er mars de la même année avec le débarquement de l’Empereur déchu à Golfe Juan après un peu moins d’un an passé sur l’Ile d’Elbe.
Dès lors, les évènements se précipitèrent. Rentré à Paris le 20 juin (deux jours après la terrible défaite), Napoléon y fut désavoué par le Parlement ( la chambre impériale ), abdiqua pour la seconde fois le 22 et partit pour la Malmaison où il attendit un éventuel retournement de situation en sa faveur. Ce qui n’arriva jamais. En revanche, le ministre de la police Fouché lui adressa un sauf-conduit pour le port de Rochefort où une frégate, Le Bellorophon, devait l’amener aux Etats-Unis, un exil honorable. Ce n’est d’ailleurs qu’à Rochefort que l’empereur apprit à ses dépens que la destination était toute autre : Plymouth en Angleterre, d’où il devait être envoyé finir ses jours sur la lointaine île de Sainte-Hélène.
Or, dans le même temps, les armées européennes coalisées envahissaient le territoire et, dans un mouvement de tenaille, commençaient à encercler à Paris. Le 29, ils approchaient de Versailles et le même jour, on apprenait à la Malmaison qu’un important corps de cavalerie avait pris la plaine de Saint Denis et se portait sur Rueil. L’empereur devait à tout prix échapper à leurs griffes.
En hâte, Napoléon et sa suite prirent alors la route vers cinq heures de l’après-midi pour Rambouillet où ils devaient arriver à la tombée de la nuit, première étape d’un long périple avant d’atteindre Rochefort le 9 juillet. Le récit de cette traversée d’une France en proie à l’anarchie a été soigneusement écrit notamment par le général Bertrand et le ministre de la police Savary qui accompagnaient Napoléon.
Le décor est ainsi planté et la question est la suivante : l’Empereur a-t-il fait étape au Chesnay ? Y a-t-il oublié cette mythique redingote grise que l’imagerie populaire a gardée en mémoire ? A l’époque existent à cet endroit du Chesnay quelques maisonnettes regroupées en un lieu-dit appelé sobrement les Petites Maisons. Et là, que les Chesnaysiens nous pardonnent, mais il faut dire qu’un arrêt de Napoléon et un oubli de sa redingote grise au Chesnay sont très improbables.
La première raison à cela est qu’on sait que lors de cette traversée, l’empereur était vêtu à la « bourgeoise » nous dit Savary, d’un frac marron précise Madame de Montholon qui fait partie du voyage. Mais absolument pas de la redingote grise. Cette précision est d’autant plus fiable que les observateurs s’étaient alors étonnés de voir pour la première fois l’empereur vêtu en civil. On pourrait toutefois rétorquer à cela qu’avec le temps, la légende, partie de ce frac marron, aurait été déformée au profit de l’habituelle redingote grise. Pourquoi pas. Passons à l’autre argument.
On sait également que le 29 au soir, l’Empereur quitta le château de la Malmaison en passant par une porte au fond du parc et gagna Rambouillet en passant par Rocquencourt et Saint-Cyr. C’est intéressant ! Si l’empereur était passé par Rocquencourt, n’aurait-il pas traversé le Chesnay ?
C’est hautement improbable. Arrivant à Rocquencourt depuis la route de Rueil en longeant Marly, il a certainement pris par la route de Saint Germain ( qui est carrossable ) et coupé par le parc du château de Versailles en longeant l’extrémité Est du Grand Canal avant de ressortir, plus au Sud, sur la route de Saint-Cyr.
Comment peut-on être aussi affirmatifs ? D’abord, parce qu’il n’y a à l’époque qu’une seule route qui part de Rocquencourt vers Le Chesnay : il s’agit de l’actuelle rue Jean-Louis Forain, sentier de terre qui n’est pas carrossable. Encore moins carrossable est un chemin – la future rue Pottier – qui partant de l’église Saint Germain et du château du Chesnay aurait ensuite permis à l’empereur d’arriver au carrefour de la Redingote, aux Petites Maisons.
On pourrait toutefois imaginer un autre cas de figure : arrivé à la porte Saint Antoine, l’empereur aurait-il pu tourner à gauche sur l’actuel boulevard Saint Antoine avant de traverser Versailles, éventuellement après un crochet au Chesnay ?
Là encore, cette hypothèse ne tient pas la route. En effet, le boulevard Saint Antoine apparait sur les premières cartes en 1815, c’est-à-dire au moment où l’empereur part de France. Il n’est pas établi qu’il était achevé le 29 juin. Mais surtout, Napoléon a délibérément évité de traverser le bourg de Versailles. Trop dangereux : la ville était restée profondément monarchiste et une émeute sur son passage aurait pu virer au lynchage. Pire encore, comme il a été dit, des éclaireurs prussiens avaient été aperçus aux abords de Versailles le même jour ( un détachement de l’armée prussienne arriva le 30 dans la ville et campa la nuit suivante dans l’avenue de Paris ). Il fallait à tout prix éviter d’être repéré et capturé. Le parc du château de Versailles, en déshérence, était nettement plus sûr.
D’autre part, le sauf-conduit accordé par Fouché et le gouvernement provisoire interdisait expressément de s’arrêter dans des villes, d’après Montholon. Rambouillet le 29 au soir fut la seule entorse faite à cette règle ce jour-là précise-t-il.
Enfin, les témoins du périple s’accordèrent à dire que le convoi fit route rapidement vers Rambouillet. Il était tard et l’empereur et sa suite étaient pressés : couper par le parc du château était la route la plus rapide et directe pour Saint Cyr. Et effectivement, trois ou quatre heures pour effectuer la cinquantaine de kilomètres qui séparent la Malmaison de Rambouillet témoigne d’une certaine allure à l’époque où il faut grosso-modo une journée pour faire cent kilomètres sans aller à fond de train. Il est donc hautement improbable ( il eût été risqué même ) que l’Empereur ait fait un crochet par le bourg du Chesnay, certes sympathique, mais à l’époque dépourvu de tout intérêt.
Mais alors, comment est née cette légende ? Le « comment » des légendes est rarement expliqué. En revanche, nous disposons d’éléments et d’hypothèses pour répondre aux questions : « quand » et « pourquoi ». Le nom de place de la Redingote tient surtout à l’emblématique restaurant de la Redingote grise qui s’y trouve ( aujourd’hui restaurant libanais ) et au fronton duquel est représentée la fameuse redingote grise depuis déjà plus de cent ans.
L’historien local André Blin a relevé la liste des propriétaires des murs et du commerce de cette maison. Or, il s’avère qu’après avoir été pendant quelques années une épicerie, ce commerce devient un troquet affublé du nom de : « A la redingote grise » au début du XXe siècle.
Or, à la même époque, le Chesnay est saisi de frénésie bonapartiste. Face à la royaliste Versailles, on redécouvre avec délectation la bataille de Rocquencourt, l’ultime victoire des armées impériales le 1er juillet 1815 ( alors même que l’Empereur avait déjà abdiqué ) et on se gargarise que l’épilogue de cette bataille ait eu lieu au Chesnay. On dédie des rues du quartier de la redingote aux gloires de l’armée impériale.
Alors, que s’est-il passé ? Le tenancier a-t-il voulu surfer sur la vague bonapartiste ? A-t-il réellement possédé une redingote grise de l’empereur ou un attrape-touriste ? En tout cas, on comprend bien désormais pourquoi ce nom a été pris. Et c’est ainsi que la légende naît…
Maintenant que celle-ci est réfutée, que faut-il en faire ? Surtout, ne pas l’oublier et continuer de la transmettre ! Car le propre d’une légende est de nous renseigner non sur la véracité de faits historiques, mais sur l’état d’esprit de nos aïeux et prédécesseurs. Et de donner de la saveur à notre mémoire. C’est ce que nous disait en substance Patrice de la Tour du Pin : « Tous les pays qui n’ont pas de légende seront condamnés à mourir de froid. »
Ceux qui regretteront cette redingote grise ont encore une solution… Aller au Musée de l’Armée à Paris pour y voir une redingote grise ( authentique celle-ci ) ayant appartenu à Napoléon.
SourcesAnnales du Chesnay – 1995Histoire de la captivité de Sainte Hélène – Charles Tristan de MontholonJournal secret d’Albine de Montholon – Albine de MontholonMémoires du duc de Rovigo – Savary, duc de Rovigo
Jean-Louis Forain : Illustrateur, peintre et président de la République... de Montmartre !
Pierre Clostermann, un Chesnaysien du ciel…
Julien Poupinet, le maire de la guerre
Rue Juliette Frémillon : histoire d’un legs
La rue Juliette Frémillon nous raconte une histoire assez classique dans les communes, celle d’un legs à gérer ! Le 13 juillet 1960 meurt Juliette Frémillon à son domicile du 13, rue de la Résistance. Huit mois plus tard, le Conseil Municipal apprend que la commune est légataire universelle de toute sa fortune. 300 000 francs : à l’époque, c’est une belle somme.
Il y a quelques conditions à ce legs. Juliette Frémillon a exprimé deux volontés : l’obligation d’entretenir sa tombe et de venir en aide « aux vieillards et familles nécessiteuses de la commune. » Dans la foulée, le conseil municipal décide de rendre hommage à sa bienfaitrice en lui dédiant une rue que l’on vient de percer entre la rue de Bricqueville et la rue de la Résistance.
Les mois qui suivent voient le Conseil municipal réfléchir à la manière la plus appropriée et efficace de respecter les dernières volontés de la défunte. On écarte l’idée d’un chèque annuel aux personnes nécessiteuses : une telle solution aurait tôt fait d’épuiser la succession sans que l’aide n’apporte un secours durable. Le Conseil municipal décide finalement de diviser la succession en trois parts égales : la première partie pour construire un foyer-restaurant pour les personnes âgées isolées de la ville ( qui deviendra le foyer-restaurant des Chênes Verts ). Une autre partie sert à payer les travaux de modernisation de Reviers, colonie de vacances normande qui accueille chaque été les jeunes de la ville. La dernière partie est affectée à divers vieillards de la ville à Pâques 1963.
La gestion de la succession Frémillon fut aisée. Il n’en a pas toujours été de même. Quelques années plus tôt, le legs Séméraire avait donné nettement plus de fil à retordre à la mairie…
Il arrive même que certains legs soient franchement empoisonnés : une générosité apparente peut parfois cacher des dernières volontés extravagantes voire très coûteuses. Des communes devenues légataires de belles propriétés se sont épuisées à entretenir ces maisons… Cadeau d’autant plus risqué qu’une fois le legs accepté par le conseil municipal, aucune rétractation n’est possible !
Une succession reste en tout cas un moyen coûteux mais judicieux d’avoir une rue à son nom : avis aux amateurs !
Elle passera près de 30 ans de sa vie au Chesnay.
Sources :Annales du Chesnay 2005, Jean-Louis Berthet : Eugène Dufétel l’obstinéRegistres des délibérations du conseil municipal : 1902-1912
Cette question peut paraître étrange, et pourtant, plusieurs rues de la ville démontrent l’influence qu’a eue l’Empereur Napoléon sur nos concitoyens.